Expert en bonheur
ma douce bipolarité
ll y a plus de 10 ans, mon copain de l’époque m’a demandé si j’étais bipolaire.
Il l’a demandé, ou il l’a affirmé?
Je ne me souviens plus.
Ce dont je me souviens, par contre, c’est que je n’avais pas la réponse.
Je comprenais sa question.
Je savais pourquoi il pouvait supposer ça.
Mais je ne savais pas quoi répondre.
Il faut dire que cette croyance m’avait déjà trotté en tête à quelques reprises…
J’avais une vie pleine de montagnes russes.
Je prenais des décisions radicales.
Et je prenais la décision opposée quelques mois plus tard.
Ou des fois, c’était juste quelques jours.
Un matin, j’annonçais à tout le monde que je partais vivre en Écosse.
Quelques années plus tard, c’était l’Allemagne.
Puis ce fut le tour de la Californie, de la Belgique, de la Nouvelle-Zélande.
À chaque fois, je partais pour de bon, sans revenir.
À chaque fois, 6 mois plus tard, j’étais de retour au Québec.
Le manque de constance allait de la toute petite décision de me remettre en forme qui ne tenait que quelques jours, jusqu’aux décisions qui changeaient le cours d’une vie.
En 2000, j’ai fait une dépression, puis j’ai déménagé en Écosse.
En 2003, je me suis inscrit à l’université. J’ai été accepté, mais je n’y suis pas allé.
En 2004, je me suis inscrit à l’université. J’ai été accepté, mais je n’y suis pas allé.
En 2005, je me suis inscrit à l’université. J’ai été accepté, et j’y suis allé. Pendant les trois années qu’a duré mon bac, je me suis demandé si j’étais dans le bon domaine.
Alors je suis reparti voyager pendant 2 ans.
En 2010, je me suis inscrit à l’université. J’ai été accepté, et j’ai fait une maîtrise. Pendant les deux années qu’a duré ma maîtrise, je me suis demandé si j’étais dans le bon domaine.
Je n’ai finalement jamais travaillé dans «mon domaine».
En 2012, j’ai laissé un emploi à 80,000$ par année.
En 2013, j’ai dépensé 120,000$… sans avoir de revenu.
En 2016, j’ai fait faillite.
J’ai eu une vingtaine d’emplois différents en 20 ans.
Parfois ça durait quelques années, souvent seulement quelques mois.
J’ai déménagé une vingtaine de fois en 20 ans.
Souvent en vendant tout et en repartant à zéro.
Bref, ça fait pas mal de mouvement tout ça!
Un genre de vie qui tombe pas mal dans la définition de la bipolarité!
Bon, je ne suis vraiment pas un expert en la matière.
Et je sais qu’il existe tout plein de subtilités.
Il y a les traits bipolaires, plus légers, et il y a des définitivement des cas qui sont plus handicapants que le mien.
Mais, justement, on la trace où, la ligne?
J’en suis venu à croire que ce n’est pas vraiment important de trouver une réponse à ma question.
Est-ce que c’est vraiment de la bipolarité?
Ce qui compte beaucoup plus, selon moi, c’est comment je vis avec ça.
Eh bien, c’est essoufflant.
Ça draine beaucoup d’énergie.
Beaucoup d’énergie gaspillée.
Alors, devant toute cette madness, j’apprends à ralentir.
Je viens de faire une retraite de méditation Vipassana en silence de 7 jours par moi-même.
Ça m’a fait le plus grand bien.
Ce qui me fascine le plus, c’est le bien que ça m’a fait de me déconnecter d’internet.
On est tellement constamment sur-stimulé.
D’ailleurs, c’est pour ça que j’ai arrêté de faire des vidéos sur ma page Facebook et ma chaîne YouTube.
Je vois plein de gens se démener sur les réseaux sociaux.
Ils sont ultra actifs.
Ils publient régulièrement.
D’une part, je trouve leur engagement impressionnant.
Mais surtout, je trouve que c’est beaucoup de bruit pour peu de résultats.
En fait, c’est vrai pour tellement de choses.Dans un de mes nombreux emplois précédents, il y a eu l’apparition du BlackBerry.
Mon patron de l’époque s’est mis à répondre aux courriels pendant qu’il conduisait!
Et toute l’équipe s’est mise à répondre aux courriels de plus en plus rapidement.
Alors j’ai découvert un truc pour être encore plus efficace…
Attendre.
J’ai réalisé qu’en attendant 24 heures avant de répondre aux courriels, 80% des enjeux s’étaient résolus d’eux-mêmes.
Les gens avaient pris quelques minutes de recul sur leur problème et la solution leur était spontanément venue à l’esprit.
En émergeant de ma dernière retraite de méditation, je suis tombé sur des vidéos sur le «Wuwei», un concept taoïste qui veut dire «non-agir» ou «non-intervention».
J’adore ce concept.
Ça me fait penser à mon exemple de la nature.
Les plantes, les arbres, les fleurs, tout ça pousse sans «effort forcé».
On peut agir sur l’environnement de la végétation, en apportant du soleil, de l’eau ou de l’engrais, mais on sait tous que tirer sur une plante ne la fait pas grandir.
Dans notre société surabondante d’actions, d’éparpillement et de gaspillage d’énergie, j’ai l’impression qu’on essaie justement de tirer sur la plante pour la faire grandir.Alors pourquoi ne pas simplement prendre le temps de s’arrêter?
Laisser les choses émerger d’elles-mêmes.
Arrêter d’agiter l’eau pour voir le fond.
Simplement laisser l’eau tranquille pour qu’elle redevienne claire.
Pourquoi ne pas faire la même chose avec notre esprit?
Le laisser tranquille pour retrouver la paix intérieure?
Alors, tout ça c’est bien beau mais, quand je m’arrête, je ne vais pas bien.
Je m’ennuie très rapidement.
Comme ma vie est généralement boostée sur les stéroïdes par une panoplie de stimulations (internet, les bruits, la vie en ville, les rendez-vous, les amis, internet, la musique, les sorties, conduire, le travail, et surtout: internet), quand je me déconnecte de tout ça, je vis un grand vide.
Comme c’est inconfortable de ressentir ce vide, je retourne vite m’occuper l’esprit en faisant toutes ces choses que je viens de nommer.
Et la folie continue!
J’en suis venu à développer une dépendance à l’intensité!
Au même titre qu’un alcoolique qui a besoin d’alcool pour combler son vide émotionnel, j’ai besoin de me garder occupé pour combler mon vide à moi.
Pour m’en sortir, j’apprends à ralentir plus progressivement.
Ce qui m’aide le plus, c’est de me déconnecter de tout pendant quelques jours.
C’est hallucinant comme j’ai beaucoup de temps disponible quand je me coupe d’internet!
Je retourne vite dans la folie de l’action quand je me reconnecte à internet, mais au moins j’y retourne avec plus de conscience.
Je suis plus conscient de ma folie.
Je suis comme un poisson qui prend tranquillement conscience de l’eau dans laquelle il a toujours vécu.
Comme la sur-activité sociale est très répandue dans la société, et qu’à peu près tout le monde vit sa vie de la même façon effrénée, on ne s’en rend plus compte.
Alors ces pauses et retraites de méditation permettent de conscientiser le problème et de progressivement s’en libérer.
Petit à petit, j’apprends à demeurer calme au milieu du tumulte.
C’est pas facile.
En fait, je trouve ça aussi difficile qu’un alcoolique qui travaille dans une SAQ.
La technologie est tellement intégrée à ma vie que je ne m’en rends même plus compte!
Quand je vis mes journées déconnectées, je réalise que je ne peux plus avertir mes amis si je suis en retard, je ne peux plus prendre de photos pour mémoriser les événements et les partager, je ne sais plus comment me rendre aux différents endroits sans Google Maps, et j’ai peur d’oublier plein de trucs si je ne les fais pas instantanément.
Quand je suis parti vivre en Nouvelle-Zélande pendant 6 mois, je suis parti sans technologie.
C’est fou mais, après quelques semaines, j’avais l’impression que mon voyage n’existait pas parce que je ne pouvais pas le partager sur Facebook.
C’est à ce point-là que ma dépendance aux réseaux sociaux était rendue!
Quand je suis rentré au Québec, j’ai recommencé à utiliser la technologie, mais c’est pas facile de garder un équilibre.
Utiliser «juste un peu» mon téléphone, c’est la même chose qu’un alcoolique qui dit qu’il va prendre «juste une bière».
C’est tellement facile de se laisser emporter dans les autres applications du téléphone.
Et j’ai beau désinstaller les applications plus tentantes, je finis souvent par les réinstaller par «nécessité».
Et je retombe dans le piège.
Ouf!
C’est pas évident de se sortir de ça.
C’est comme une ancienne cocaïnomane que j’avais entendu dire qu’il est plus facile de se débarrasser d’une dépendance à la coke que d’une dépendance au sucre!
C’est parce que le sucre est beaucoup plus facile d’accès et beaucoup plus socialement accepté que la coke.Dans le cas d’internet, c’est tout aussi vrai!
Alors il faut y aller par petites bouchées.
Une étape à la fois.
Célébrer chaque victoire.
Célébrer chaque rechute.
Et continuer d’avancer.
Pour apprendre à demeurer en paix dans l’oeil du cyclone.
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